Ballade pour la Saint-Valentin.
Le beau souleil, le jour saint Valentin,
Qui apportait sa chandelle alumée,
N'a pas longtemps, entra ung bien matin
Priveement en ma chambre fermée.
Celle clarté, qu'il avoit apportée,
Si m'esveilla du somme de Soussy,
Où j'avoye toute la nuit dormy
Sur le dur lit d'ennuieuse pensée.
Ce jour aussi, pour partir leur butin
Des biens d'Amours, faisoient assemblée
Tous les oyseaulx, qui parlans leur latin,
Crioyent fort, demandans la livrée
Que Nature leur avoit ordonnée;
C'estoit d'un per comme chascun choisy;
Si ne me peu rendormir, pour leur cry,
Sur le dur lit d'ennuieuse pensée.
Lors en moillant de larmes mon coessin,
Je regrectay ma dure destinée,
Disant: Oyseaulx je vous voy en chemin
De tout plaisir et joye désirée;
Chascun de vous a per qui lui agrée,
Et point n'en ay, car Mort, qui m'a trahy,
A prins mon per, dont en dueil je languy
Sur le dur lit d'ennuieuse pensée.
L'envoy
Saint Valentin choisissent ceste année
Ceulx et celles de l'amoureux party;
Seul me tendray, de confort desgarny,
Sur le dur lit d'ennuieuse pensée.
Charles D'Orléans .
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