Les poètes Français traduit en Hongrois. Linda et Tebinfea-Francia költök magyarra fordított

Français poètes. Francia költők.

samedi 24 septembre 2011

Chanson pour oublier Dachau.

Chanson pour oublier Dachau.


Nul ne réveillera cette nuit les dormeurs

Il n'y aura pas à courir les pieds nus dans la neige

Il ne faudra pas se tenir les poings sur les hanches jusqu'au matin

Ni marquer le pas le genou plié devant un gymnasiarque dément

Les femmes de quatre-vingt-trois ans les cardiaques ceux qui justement



Ont la fièvre ou des douleurs articulaires ou

Je ne sais pas moi les tuberculeux

N'écouteront pas les pas dans l'ombre qui s'approchent

Regardant leurs doigts déjà qui s'en vont en fumée



Nul ne réveillera cette nuit les dormeurs



Ton corps n'est plus le chien qui rôde et qui ramasse

Dans l'ordure ce qui peut lui faire un repas

Ton corps n'est plus le chien qui saute sous le fouet

Ton corps n'est plus cette dérive aux eaux d'Europe

Ton corps n'est plus cette stagnation cette rancoeur

Ton corps n'est plus la promiscuité des autre

N'est plus sa propre puanteur

Homme ou femme tu dors dans des linges lavés



Ton corps



Quand tes yeux sont fermés quelles sont les images

Qui repassent au fond de leur obscur écrin

Quelle chasse est ouverte et quel monstre marin

Fuit devant les harpons d'un souvenir sauvage

Quand tes yeux sont fermés revois-tu revoit-on

Mourir aurait été si doux à l'instant même

Dans l'épouvante où l'équilibre est stratagème

Le cadavre debout dans l'ombre du wagon

Quand tes yeux sont fermés quel charançon les ronge

Quand tes yeux sont fermés les loups font-ils le beau

Quand tes yeux sont fermés ainsi que des tombeaux

Sur des morts sans suaire en l'absence des songes



Tes yeux



Homme ou femme retour d'enfer

Familiers d'autres crépuscules

Le gout de soufre aux lèvres gâtant le pain frais

Les réflexes démesurés à la quiétude villageoise de la vie

Comparant tout sans le vouloir à la torture

Déshabitués de tout

Hommes et femmes inhabiles à ce semblant de bonheur revenu

Les mains timides d'enfants

Le cœur étonné de battre



Leurs yeux



Derrière leurs yeux pourtant cette histoire

Cette conscience de l'abîme

Et l'abîme

Où c'est trop d'une fois pour l'homme être tombé

Il y a dans ce monde nouveau tant de gens

Pour qui plus jamais ne sera naturelle la douceur

Il y a dans ce monde ancien, tant et tant de gens

Pour qui tant de douceur est désormais étrange

Il y a dans ce monde ancien et nouveau tant de gens

Que leurs propres enfants ne pourront pas comprendre



Oh vous qui passez

Ne réveillez pas cette nuit les dormeurs


Louis Aragon.

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