Elsa.
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa, mon amour, ma jeunesse.
O forte et douce comme un vin
Pareil au soleil des fenêtres
Tu me rends la carasse d'être
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaître
Notre histoire jusqu'à la fin.
C'est miracle que d'être ensemble
Que la lumière sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble.
Comme à son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble.
Pour la première fois ta bouche
Pour la première fois ta voix
D'une aile à la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la première fois
Quand ta robe en passant me touche.
Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence.
Et qui m'a montré la contrée
Que la bonté seule ensemence.
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fièvres
Et j'ai flambé comme un genièvre
A la Noël entre tes doigts,
Je suis né vraiment de ta lèvre
Ma vie est à partir de toi.
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que tu fais rattachant
Tes cheveux ce geste touchant.
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa, mon amour, ma jeunesse!
Louis Aragon.
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