Les poètes Français traduit en Hongrois. Linda et Tebinfea-Francia költök magyarra fordított

Français poètes. Francia költők.

samedi 26 octobre 2013

Nos morts.



Nos morts.


Ils gisent dans le champ terrible et solitaire.

Leur sang fait une mare affreuse sur la terre ;

Les vautours monstrueux fouillent leur ventre ouvert ;

Leurs corps farouches, froids, épars sur le pré vert,

Effroyables, tordus, noirs, ont toutes les formes

Que le tonnerre donne aux foudroyés énormes ;

Leur crâne est à la pierre aveugle ressemblant ;

La neige les modèle avec son linceul blanc ;

On dirait que leur main lugubre, âpre et crispée,

Tâche encor de chasser quelqu'un à coups d'épée ;

Ils n'ont pas de parole, ils n'ont pas de regard ;

Sur l'immobilité de leur sommeil hagard

Les nuits passent ; ils ont plus de chocs et de plaies

Que les suppliciés promenés sur des claies ;

Sous eux rampent le ver, la larve et la fourmi ;

Ils s'enfoncent déjà dans la terre à demi

Comme dans l'eau profonde un navire qui sombre ;

Leurs pâles os, couverts de pourriture et d'ombre,

Sont comme ceux auxquels Ézéchiel parlait ;

On voit partout sur eux l'affreux coup du boulet,

La balafre du sabre et le trou de la lance ;

Le vaste vent glacé souffle sur ce silence ;

Ils sont nus et sanglants sous le ciel pluvieux.


Ô morts pour mon pays, je suis votre envieux.


Victor Hugo.

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